En grandissant près de Sarajevo j’ai vu de près les safaris humains
J’avais sept ans et je vivais dans mon village natal Barane, dans le sud de ce qui est aujourd’hui la Bosnie‑Herzégovine, lorsque le siège de Sarajevo par les forces serbes a commencé. Au printemps 1992, la guerre est arrivée dans notre village. D’ici l’été 1993, mon père et la plupart de mes proches hommes avaient été envoyés dans des camps de concentration, et ma mère, mon frère, ma sœur et moi avions fui dans un village au sud de Mostar, pour rester avec ma grande‑tante. Un jour, en rentrant pour nous procurer de la nourriture, ma mère, mon frère et ma sœur et moi avons été repérés par un tireur d’élite. Ma mère nous a pris et nous a tirés derrière un mur de pierre. « Je n’oublierai jamais la façon dont elle nous protégeait, comme si cela pouvait nous protéger. » Nous sommes restés derrière ce mur pendant 45 minutes, le tireur d’élite tirant sur nous, essayant de nous faire peur.
In This Article:
Des touristes fortunés payaient pour devenir des « weekend snipers »
Aujourd’hui, des procureurs italiens enquêtent sur des allégations selon lesquelles des touristes riches auraient payé pour agir comme des « weekend snipers », tirant sur Sarajevo assiégée depuis des positions bosno‑serbes. L’enquête est le résultat d’une nouvelle affaire judiciaire déposée par le journaliste Ezio Gavazzeni, et fait suite à un documentaire de 2022 sur le sujet, Sarajevo Safari. Des rapports suggèrent que des Italiens, ainsi que des Allemands, des Français, des Anglais et d’autres ressortissants des pays occidentaux, ont payé pour avoir la chance de tirer sur des civils, y compris en payant un supplément pour viser des enfants. « Quand j’y pense aujourd’hui, je me demande si c’était quelqu’un qui était venu de l’étranger, qui était juste là pour passer une bonne journée. » « Ils ont vu cette jeune mère avec ses enfants effrayés à travers la lunette et pour eux, ce n’était qu’un vrai rire. » « On s’éclatait. » « Ça fait remonter beaucoup de souvenirs. Ça soulève beaucoup de questions. »
Le siège et son héritage: chiffres et mémoire
Pendant le siège de Sarajevo, qui dura près de quatre ans, 11 541 civils ont été tués; 1 601 d’entre eux étaient des enfants. C’est encore le siège le plus long de l’histoire moderne européenne, et il fut vu comme un prélude au massacre de Srebrenica, considéré comme le seul génocide en Europe depuis l’Holocauste. Je suis heureuse que cela éclaire enfin la lumière, mais légèrement frustrée de savoir que les Bosniens en parlent depuis des décennies. Non seulement cela a été écrit, mais même pendant la guerre, nous avons entendu des rumeurs sur des soldats ‘weekend’ ou ‘tourist’ venus de l’étranger. L’information circulait différemment à l’époque.
Rumeurs, mémoire et diffusion de l’information dans les années 1990
L’information a circulé différemment à l’époque. L’internet n’était pas accessible pour nous, nous n’avions pas les réseaux sociaux, et les téléphones mobiles n’étaient pas vraiment répandus. Ainsi, les nouvelles circulaient de manière vraiment fascinante, par des personnes voyageant vers et depuis Sarajevo, et par des journalistes internationaux qui travaillaient dans la région. Mon père parle de son temps dans un camp de concentration, enfermé dans une pièce pendant des jours sans nourriture ni eau, mais ayant malgré tout accès à de nouvelles rumeurs, de nouvelles informations. J’étais seulement un enfant à l’époque, donc mes souvenirs de ces rumeurs sont flous — dans la manière dont les morceaux que les enfants saisissent lorsque les adultes parlent le sont toujours.
Retour au Royaume‑Uni et appel à l’action
Le Royaume‑Uni est mon foyer, mon endroit sûr, où je peux parler ouvertement et éduquer dans les écoles, les universités et les communautés sur les dangers de la discrimination. Il est effrayant de penser que des personnes qui ont participé à ces atrocités pourraient vivre ici. Le Royaume‑Uni devrait suivre les pas des autorités italiennes et ouvrir une enquête immédiate. Et j’espère que les gouvernements saisiront cette opportunité pour coopérer afin d’enquêter de manière significative, avec des conséquences pour ceux qui ont été impliqués. Pour ce garçon terrifié qui se cache des snipers avec sa famille, et pour les milliers d’autres touchés, c’est le moins que nous méritons. Vous avez une histoire à partager ? Contactez‑nous en envoyant un courriel à jessica.aureli@metro.co.uk. Partagez vos opinions dans les commentaires ci-dessous.